Hôtel Pax

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L'hôtel Pax, situé Avenue de la Gare à Annemasse (Haute-Savoie), est un lieu de détention, de tortures et d'exécutions sommaires pendant la Seconde Guerre mondiale. Occupé par la Gestapo du au , Klaus Barbie y conduit des interrogatoires lors de ses passages dans la région.

Façade de l'ancien hôtel Pax à Annemasse
L'ancienne annexe de l'hôtel Pax, futur Espace Guy-Gavard.

L'hôtel (renommé Oskar) est situé au 22 avenue de la Gare; les hangars qui servaient de lieu de détention, au numéro 21, ont été détruits[1],[2]. La ville d'Annemasse a acquis le bâtiment qui servait d'annexe à l'hôtel, situé devant l'ancienne prison et a annoncé en 2019 son intention d'y créer une Maison de la mémoire qui prendra le nom d'Espace Guy-Gavard[3],[4].

Histoire[modifier | modifier le code]

Des troupes d'occupation italiennes arrivent à Annemasse en décembre 1942. Elles réquisitionnent en juin 1943, en face de l'hôtel Pax, la cave d'un entrepôt annexé à une maison de bonneterie en gros, pour y enfermer les prisonniers politiques. Les troupes allemandes remplacent les troupes italiennes en septembre 1943. Les militaires de la « SS Polizei Regimenter Tod » s'installent à l’Hôtel Pax[5].

Immédiatement une grande rafle est organisé, qui remplit la prison du Pax. La terreur commence. Constatant que les personnes incarcérées sont parquées à plus de 20 dans une cave froide et humide, le maire d'Annemasse Jean Deffaugt obtient de faire aménager l'entrepôt en dix grandes cellules et un cachot.

Jusqu'à la fin de la guerre, plus de 1 500 personnes de douze nationalités différentes passeront par la prison du Pax, surtout des Juifs. Près de 500, transférés ensuite à Annecy, à Lyon ou ailleurs, ont disparu sans laisser de trace.

Avant la démolition des cellules, la population annemassienne a rendu hommage aux six Français lâchement assassinés par la Gestapo et aux 1 500 personnes emprisonnées en posant le , une plaque commémorative en leur mémoire sur la façade du bâtiment, 21 avenue de la Gare[6].

La Plaque commémorative[modifier | modifier le code]

Sur la façade du bâtiment une plaque commémorative de marbre noir rappelle :

" Français - Souvenez-vous - Dans ce bâtiment, 1 500 personnes ont été emprisonnées pendant l'occupation italienne du au et l'occupation allemande du au . Ici la Gestapo a torturé un grand nombre de détenus et a lâchement assassiné les et  :

Pellet Gustave, 48 ans de Ville-en-Sallaz,

Chappuis André, 48 ans, de Machilly,

Gouffi Adrien, 29 ans, de Viuz-en-Sallaz,

Viollet Fernand, 25 ans, de Saint-Pierre-de-Rumilly,

Jenatton Fernand, 23 ans d'Ambilly,

Jenatton Louise, 23 ans d'Ambilly.

Chef de la prison[modifier | modifier le code]

Klaus Barbie et l'hôtel Pax[modifier | modifier le code]

Klaus Barbie est très actif du côté savoyard de la frontière franco-suisse, lieu de passage de clandestins vers la Suisse. Accompagné de son interprète Gottlieb Fuchs[14], il conduit des interrogatoires accompagnés d'actes de torture à l'hôtel Pax[15].

Personnalités détenues à l'hôtel Pax[modifier | modifier le code]

Mila Racine (octobre 1943)[modifier | modifier le code]

Biographie de Mila Racine sur la façade du futur Espace Guy-Gavard à Annemasse

En 1943, Mila Racine a 24 ans. Elle fait partie du réseau MJS, "Éducation Physique". Le , elle conduit, avec Roland Epstein, un convoi difficile : des enfants, un couple de personnes âgées, une jeune maman avec un bébé et un autre couple avec un enfant en bas âge. Ils sont surpris par des chiens policiers. Coup de feu. Une femme est tuée, une autre blessée. Mila et Roland ne veulent à aucun prix abandonner ceux dont ils ont la charge. Tous sont arrêtés et emmenés à l’hôtel Pax.

Jean Deffaugt, le Maire d’Annemasse, parvient à les visiter et à obtenir la libération des enfants placés sous sa responsabilité personnelle dans un home d’enfants de la région. Il propose à Mila un plan d’évasion. Elle refuse, sachant que les enfants, ou Deffaugt, ou le personnel de l’hôpital où il veut la faire entrer, devront payer pour elle.

Mila et Roland sont transférés à la prison Montluc, à Lyon. De là, Roland sera envoyé à Drancy, puis déporté à Buchenwald. il survivra.

Mila, soutient qu’elle n’est pas juive. Elle est envoyée à Compiègne, déportée à Ravensbruck, puis à Mauthausen. Elle meurt lors d’un raid aérien des Alliés, le , sur son lieu de travail, près du camp[16].

Rosette Wolczak (octobre 1943)[modifier | modifier le code]

Rosette Wolczak passe la frontière de Suisse en France, au Moulin de la Grave, avec trois autres réfugiés. Elle est arrêtée le et envoyée par les gardes-frontières allemands à l’hôtel Pax[17]. De là elle est transférée au camp de Drancy, où elle arrive le . Elle y reçoit le numéro de matricule 7114.

Elle est déportée à Auschwitz dans le convoi n° 62 du 20 novembre 1943[18]. Après l'appel qui rassemble les déportées à six heures et demie, le convoi quitte la gare de Bobigny à 11 heures 50. Il emporte 1 200 personnes, dont 640 hommes, 560 femmes et 164 enfants de moins de dix-huit ans. Rosette est dans le même convoi que Nicole Alexandre, dont Françoise Verny célèbre la mémoire dans Serons-nous vivantes le  ?[19]. Dix-neuf jeunes juifs arrivent à s'échapper de ce convoi en sautant du train, dont le futur conseiller d'état Jean Cahen-Salvador.

Rosette Wolczak parvient le à Auschwitz. D'après les témoignages des déportées, les vieillards et enfants de moins de seize ans sont en général conduits directement dans les chambres à gaz car ils ne sont pas considérés comme aptes à travailler. Rosette meurt gazée ce [20].

Jean Rosay (février 1944)[modifier | modifier le code]

Jean Rosay est arrêté dans la nuit du au , à deux heures du matin, comme passeur à l'étranger de réfractaires, de juifs, de résistants et autres terroristes selon les autorités allemandes. Il passe en effet des agents anglais, parachutistes et aviateurs abattus au-dessus de la France, et parmi les quelques personnalités croisées : le colonel Verduraz ; Jean-Marie Soutou, futur ambassadeur et l'un des fondateurs de Témoignage chrétien ; Xavier de Gaulle[21]. Dans cette affaire sont arrêtés également deux agriculteurs du village, Joseph Lançon, déjà pris en 1943 puis relâché, vivant depuis dans la clandestinité, et François Perillat, originaire de la Tuillière, un hameau de Veigy-Foncenex, ils mourront tous deux à Hersbrück.

Jean Rosay est emmené à l'hôtel Pax. La Gestapo vient de démanteler un des plus gros réseau de passage en Suisse.

Jean Rosay avoue tout, craignant que les allemands ne retournent au presbytère, ce qu'il ne feront pas, tenant le chef du réseau.

Il est transféré à Compiègne le 12 mars, et part en déportation à Auschwitz le . Évacué à Birkenau en , Gross-Rosen le , où il est le dernier prêtre retrouvé sur place, et Nordhausen le , pour finir, il arrive exténué au mouroir de Bergen-Belsen sous le matricule « 186.350 », après avoir fait les voyages dans des wagons à charbon découverts par un froid glacial sous la pluie et la neige.

Partis six mille, ils n'arrivent que deux mille. C'est ici qu'il meurt entre le 10 et le , quelques jours avant la libération du camp par les Anglais[22].

Biographie de Marianne Cohn sur la façade du futur Espace Guy-Gavard à Annemasse

Marianne Cohn (mai 1944)[modifier | modifier le code]

Après l’arrestation de Mila Racine et de Roland Epstein, Marianne Cohn, âgée de 21 ans, passe à la Sixième et prend la relève avec Rolande Birgy, militante de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), reconnue en 1984 comme Juste parmi les nations.

Le , Marianne prend en charge un groupe de 28 enfants. À 200 mètres de la frontière, ils sont arrêtés par une patrouille allemande avec des chiens, emmenés à l'hôtel Pax à Annemasse.

De nouveau, Jean Deffaugt intervient et parvient à libérer 17 enfants. Il propose à Marianne Cohn un plan d’évasion, mais elle refuse pour ne pas compromettre le sort des enfants qui lui sont confiés. Tous les jours, Marianne est interrogée par la Gestapo et atrocement torturée, mais elle ne parle pas.

Début , elle est emmenée par des agents de la Gestapo, avec cinq autres résistants, à Ville-la-Grand, près d’Annemasse, dans un lieu isolé. Elle est sauvagement assassinée, à coup de bottes et de bêches[16],[23].

Jean Deffaugt, maire d'Annemasse (1942-1947)[modifier | modifier le code]

Jean Deffaugt[24] est maire d'Annemasse à partir de 1942. Il obtient le la libération de 17 enfants juifs emprisonnés à l'hôtel Pax transformé en prison par la Gestapo, arrêtés alors qu’ils tentaient de passer la frontière avec des camarades plus âgés et une jeune convoyeuse clandestine, membre des réseaux juifs, Marianne Cohn. Il entre en contact avec Mila Racine pour ébaucher un plan d'évasion plus large, qui sera abandonné. Après la Libération, il demeure maire jusqu'en 1947.

Depuis 1965, il figure dans la liste des Justes de France.

Une place d'Annemasse porte son nom.

Enfants survivants de l'hôtel du Parc[modifier | modifier le code]

  • Hélène Stein. Elle a 13 ans en , lorsqu'elle fait partie du groupe conduit par Marianne Cohn[25],[26].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. hôtel Pax hôtel, sur le site mappy.com.
  2. a et b Pour une photo de l'ancien Pax Hôtel, voir Photos et cartes postales. Pax Hôtel, avenue de la Gare, sur le site de La Salévienne - lasalevienne.org
  3. La Rédaction, « Annemasse : la Maison de la mémoire s’appellera Espace Guy-Gavard », Le Dauphiné libéré,‎ (lire en ligne).
  4. « Annemasse : une Maison des mémoires pour ne jamais oublier », sur Le Messager, (consulté le )
  5. « Maison des Mémoires d'Annemasse »
  6. A Propos de la prison du Pax. Annemasse. À vivre ensemble.
  7. Michel Germain, 1997, p. 131.
  8. Annemasse. Association des Glières pour la mémoire de la résistance.
  9. Guy Gavard, 2006, p. 343.
  10. Michel Germain, 1992, p. 124.
  11. Michel Germain, 1999.
  12. Conter, Nicolas, Jacques. Les Amis de la Fondation de la Résistance/
  13. Michel Germain, 1992, p. 107.
  14. Gottlieb Fuchs a publié, en 1973 un livre intitulé Le Renard. 30 ans après, l'interprète de Klaus Barbie parle.
  15. Fuchs affirme dans son livre qu'il falsifiait des documents que devait signer Barbie qu'il saoulait avec la complicité des serveuses, pour sauver des résistants.
  16. a et b Au prix de leur vie... aloumim.org.
  17. Claude Torracinta, Rosette pour l'exemple, Slatkine, (ISBN 978-2-8321-0717-1), p 66
  18. Ruth Fivaz-Silbermann, « Refoulement, accueil, filières: les fugitifs juifs à la frontière franco-genevoise entre 1942 et 1944 », Revue suisse d'histoire,‎ , p. 305 - 306 (lire en ligne)
  19. « Serons-nous vivantes le 2 janvier 1950 ? - Françoise Verny », sur www.senscritique.com (consulté le )
  20. « Mémorial de la Shoah », sur bdi.memorialdelashoah.org (consulté le )
  21. Michel Germain, Le Maquis de l'Espoir, chronique de Haute-Savoie, au temps…, Éd, La Fontaine de Siloé, 1994, p.44.
  22. Histoire de Veigy-Foncenex, Des héros Chablaisiens.
  23. (en) Paul R. Bartrop, 2016, p. 43. avec une photo de Marianne Cohn.
  24. (en) Jean Deffaugt. Jewish Virtual Library.
  25. (en) Jonathan Kalmus. I was so scared when the Gestapo led us at gunpoint. The Jewish Chronicle, January 26, 2012.
  26. (en) Stein, Helen. Jewish survivors of the Holocaust. British Library. Audio.
  27. (en) Mordecai Paldiel, 2017.

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]